- SADATE (A. AL-)
- SADATE (A. AL-)SADATE ANOUAR AL- (1918-1981)Ayant choisi la carrière des armes, Anouar al-Sadate se lie, à la veille de la guerre de 1939, avec Gamal Abdel Nasser, jeune officier comme lui. Affilié aux Frères musulmans, il participe à tous les complots tendant à renverser la royauté.Le 23 juillet 1952, il annonce à la radio que les «officiers libres» ont pris le pouvoir. Ministre d’État dans le premier gouvernement Nasser, puis, en 1957, secrétaire général de l’Union nationale, le parti unique égyptien devenu l’Union socialiste arabe, président de l’Assemblée nationale en juillet 1960 et, en 1961, de la commission préparatoire du Congrès national des forces populaires, il est chargé de rédiger la charte du régime. Successivement il assure la présidence de la Conférence afro-asiatique du Caire (1958), la présidence du Conseil (1964-1966) et la vice-présidence de la République (1969-1970); il est désigné par Nasser pour assurer sa succession immédiate.Président de la République par intérim après la mort du raïs (septembre 1970), Sadate est confirmé dans ses fonctions par un référendum national qui lui donne 90 p. 100 des suffrages exprimés. Il réorganise l’État, le parti, l’administration et l’économie. Certes, le nouveau gouvernement qui se forme, avec pour Premier ministre Mahmoud Fawzi, reflète les tendances qui se manifestent au sein du parti unique égyptien, l’Union socialiste arabe, et qui vont influer sur la politique du pays, mais très vite Sadate se distingue; à la fin d’octobre 1970, il baisse les prix des biens de consommation, augmente les traitements des personnels du secteur public et fait ouvrir un réseau de centres sanitaires dans les campagnes. Réglementant et limitant la saisie des biens individuels — nulle propriété ne peut être saisie, sauf par décision judiciaire sanctionnée par un jury de citoyens —, il fait restituer à huit cents propriétaires leurs biens mis sous séquestre sous le gouvernement du raïs. Mais la libéralisation mise en œuvre par Sadate se heurte de plus en plus au sein du parti à certains courants actifs qui refusent à la fois le retour d’un parlementarisme de type occidental et la politique de conciliation menée à l’égard des États-Unis et d’Israël: contre l’avis notamment de l’un des vice-présidents de la République, Ali Sabri, le président Sadate promet à Richard Nixon de rétablir des relations diplomatiques avec les États-Unis si ceux-ci amènent Israël à évacuer les territoires occupés. L’aile gauche du parti s’en prend alors violemment au rédacteur en chef d’Al-Ahram , Mohammed Heykal, considéré comme l’inspirateur de cette politique de la main tendue et accusé de défaitisme, de même elle dénonce l’accord conclu le 17 avril 1971 à Benghazi, et aux termes duquel l’Égypte, la Libye et la Syrie se fédèrent; Ali Sabri dénie même au président le droit d’engager seul le pays dans une fédération impossible en effet, parce qu’elle lie des pays fort différents par leurs systèmes économiques et politiques. Sadate, d’abord contraint d’amender le texte qu’il a signé, réagit: il démet Ali Sabri de ses fonctions, accueille quelques jours plus tard le secrétaire d’État américain William Rogers — qui se prononce effectivement pour le retour d’Israël à ses frontières du 4 juin 1967 — et fait arrêter, sous l’inculpation de complot, les leaders de la gauche du parti. Soutenu par les chefs de l’armée, il fait entrer au gouvernement Fawzi des hommes plus favorables à sa politique, promet l’organisation d’élections «libres à 100 p. 100» et, sans revenir sur les mesures prises à l’encontre de ceux qu’il a écartés de la vie politique et qui, pour la plupart, étaient partisans d’une relation étroite avec l’Union soviétique, engage un processus de négociations et de visites qu’entérine un pacte d’amitié égypto-soviétique. Dès lors, il accuse les États-Unis d’être associés à Israël dans l’occupation des territoires arabes.Bien que la bataille avec Israël lui semble «inéluctable», il n’entend pas «fermer la porte à une solution politique», d’où un violent réquisitoire, suivi d’émeutes, des étudiants activistes dénonçant les ambiguïtés de sa politique (janvier 1972). Il se rend à Moscou pour tenter de renforcer la capacité offensive de l’armée égyptienne. Désireux toutefois de définir sur de nouvelles bases les relations avec l’U.R.S.S., dans le respect de la souveraineté égyptienne, il demande le retrait des «conseillers soviétiques». En juillet 1972, esquissant une nouvelle voie à l’expansion panarabe, il signe avec le colonel Kadhafi, onze ans après la sécession de la Syrie, un accord d’unité totale avec la Libye, dont les modalités de réalisation sont remises à plus tard. Ayant rompu avec le roi Hussein, tenu pour le «bourreau de la résistance palestinienne», il rejette la proposition de Golda Meir de le rencontrer et suggère aux Palestiniens de former un gouvernement en exil. En mars 1973, après une nouvelle épreuve de force avec les étudiants, Sadate décide de cumuler les fonctions de chef de l’État et de chef de gouvernement. Il s’attribue en outre les fonctions de gouverneur militaire: alors commence ce qu’il appelle, en janvier 1973, «l’étape de confrontation totale» avec Israël. L’«amitié stratégique» avec Moscou ayant été préservée, la réconciliation avec la Jordanie intervenue, Sadate ordonne le 6 octobre la reprise des hostilités contre Israël, conjointement avec la Syrie. L’Égypte lui sait gré de «l’avoir sortie de l’humiliation de 1967» et d’avoir mis fin au mythe de l’invincibilité israélienne. En janvier 1974, le président Sadate accepte l’accord sur le désengagement des troupes mis au point par Henry Kissinger.L’année 1975 voit la réouverture du canal de Suez et un accord sur l’évacuation du Sinaï. Le prestige de Sadate, alors à son apogée en Égypte et dans le monde arabe, lui permet d’engager son pays dans une politique audacieuse d’ancrage à l’Ouest.C’est d’abord la libération politique et économique de l’Égypte, avec l’appel au secteur privé et aux capitaux occidentaux. Or la prospérité attendue ne profite qu’aux milieux d’affaires, et l’introduction de valeurs culturelles étrangères est source de tensions religieuses exploitées par l’intégrisme musulman. Sadate réagit, à la fin de sa vie, par des internements arbitraires qui réduisent dangereusement sa base populaire.À l’extérieur, le voyage à Jérusalem de 1977 est une tentative pour débloquer la situation, comme en 1973, en contraignant Israël et l’opinion américaine à un règlement d’ensemble au Moyen-Orient. Sadate, avec l’arbitrage des États-Unis (accord de Camp David, 1978), n’obtient qu’une paix séparée entre Israël et l’Égypte (il est lauréat du prix Nobel de la Paix avec Menahem Begin en 1978), ce qui lui vaut d’être au ban des pays arabes pour abandon de la cause palestinienne. Lorsqu’il meurt, le 6 octobre 1981, sous les balles d’extrémistes islamiques, Anouar al-Sadate, considéré comme un héros en Occident, est un homme seul dans son pays et dans le monde arabe.
Encyclopédie Universelle. 2012.